samedi 8 mars 2014

LONGUE VIE à TERRE DE RUINES !



C'est le souhait que je formule pour mon dernier livre, un peu provocateur.


Il ne vous a sûrement pas échappé que le titre était quelque peu...comment dire ?...Peu alléchant, certains diraient peu vendeur...





Peu m'importe ! Il ne faut pas s'arrêter au titre, et même...

Pour ma part, je l'apprécie de plus en plus, il me sied à merveille ; il a une réelle et forte identité. J'en viens même à le préférer à son aîné, Terre d'enfance, c'est dire !



Trêve de verbiage. Ce titre reflète parfaitement mon propos : du bien fondé des ruines.


J'ai, en quelque sorte, fait le pari que les ruines que je relate, que je fouille, que j'exhume, sortiraient, une fois écrites, comme embellies, renforcées, presque reconstruites, pour finalement devenir proches du dernier chapitre : "Eden d'amitié", là où ne reste aucune ruine, mais la force et la présence de l'amie de toujours.
Cela ne s'est pas fait sans difficultés, de tous ordres : celles contemporaines aux  récits et celles liées à la reconstitution de ces récits (en particulier "Ruines d'amour"). 

Il est aisé de comprendre que relire ses propres premières lettres amoureuses ne va pas sans un vertige, une confusion des temps, se trouver piégée par ses sentiments, ravivés par le présent.



                                 


Mais pourquoi vous exposer tout cela, avoir reconstruit ces ruines végétales, de chair, de vie, d'amour, d'amitié? La réponse est dans la question : qui n'a pas replongé dans le souvenir de son premier amour? Qui n'a pas connu la force d'une amitié de toute une vie? Qui n'a pas rêvé aux paradis perdus ?
Alors, je vous livre quelques extraits, les plus extrêmes peut-être, de ce que j'ai pu vivre, sentir, ressentir, rejeter, pleurer, douter, maudire, crier, aimer... et écrire.



"C'est là l'essentiel, l'état pur : au pied d'une grande croix en pierre, dehors, sur le tapis floral, je m'allonge et contemple les nuages.
Se défaire des vieilles peaux.
Laisser tomber le superflu, le flux, lâcher le monde.
Modeler la terre argileuse sortie du milieu du rocher, comme un acte de foi."

"Mois de mai, signes du paradis déconstruit, de l'amour premier désormais inaccessible : cette ruine du passé m'habite, en négatif, happée par la perte originelle.
Mois de l'entre-deux, entre le temps des deuils, l'hiver ravageur, la froideur enfouie au cœur des os, la noirceur des nuits, les larmes acides et la possible réalité d'une espérance.
Sans cesse, flotter entre deux eaux, celle du paradis désormais irrémédiablement perdu, et celle des amours trop réels, trop charnels ou sensuels. Entre le premier amour trop lointain et celui du Père, au creux de moi-même.
En mai, vision du pré de La Cabane : totalement perdu, hors du temps, de l'espace, une île d'arbres vivants, sous le vent d'Autan. Les herbes hautes flottent sous la brise, comme sous un souffle protecteur, murmurant ce que je ne peux entendre."

"Devenir rustique, brute, entière, fondamentale.
Avoir pour seul bruit le chant des oiseaux et des gouttes de pluie.
Être
là."

"Les grands tilleuls sont coupés et les châtaigniers ont éclaté sous le gel. Tous ont été brûlés, partis en fumée, comme les milliers de cibiches emplissant les poumons.
Dans cette prison de goudrons, de fumée et de bois sec : l' étouffement assuré. Il ne fallait pas de cendres, ni de poussières volatiles pour le poumon percé ; juste un bon feu qui emporte braises et étincelles vers les cieux, un feu qui purifie comme au premier jour, qui aurait réchauffé ses entrailles et son cœur transpercé de mille flèches.
Un feu à la brûlure identique à la morphine, blanche, raide, purificatrice."


"Ces ruines de lettres lyriques ont la force de redonner vie, lorsque le désir passionnel et fusionnel a cessé d'opérer à cœur ouvert." 
«Ne laisse pas ton désir et ta force t'entraîner
à suivre les passions de ton cœur.»
L'Ecclésiaste 5, 2

"Je sens et je sais que tu m'aimes.
Je sais quand tu le sens.
Je t'aime quand je sens que tu le sais.
Et quand tu le sens, tu penses que je sens encore plus que tu m'aimes. Et tu m'aimes encore plus.
Je te sens et t'aime encore mieux.
Je m'embrasse tes lèvres."

"J'étais bien avec toi parce que (peut-être à tort) je crois (pour reprendre l'expression d'Antonioni) que tu es de mon ordre. L'ordre de ceux qui ne veulent pas compter sur l'avenir pour dépenser (et faire croître) des énergies de vie et qui nourrissent en eux-mêmes quelque incertaine vérité, ouverte à l'erreur mais pas au mensonge, ouverte à la promesse, mais pas au compromis. Vérité de présence, de coïncidence, début de vérité, peut-être, tout est là.
Je crois aussi que tu es une amie, dans ce sens de l'Amitié que décrit Maurice Blanchot dans le texte que je t'envoie. Et ces mots, je voudrais qu'ils affluent ou peut-être qu'ils t'assiègent, ou encore qu'ils te soulèvent et te rendent si légère que, en traversant le pont de la Garonne, tu aies peur de t'envoler avec eux."





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