A présent, la nouveauté sur mon blog sera que ces pages virtuelles seront consacrées à mes propres textes, surtout ceux écrits "sous la contrainte" de Brigitte H.B. (que je remercie pour sa compassion!).
Je poursuis en vous proposant un texte sur un sujet qui me tient à coeur, à l'esprit, à l'horreur, à la révolte.
Il s'agissait d'imaginer qu' "un syndicat d'initiative d'un lieu imaginaire ou improbable essaie d'attirer les touristes(...)."
VOYAGE EN MISERIE
Guide touristique pour haut-fonctionnaires des Nations Unies et autres
assemblées internationales
Pour dignitaires de tous pays, spécialement du Qatar et familles de Dubaï.
Pour vous toutes et tous qui venez à Paris, pour moi.
Votre séjour comportera un passage obligé et très détaillé dans tous les
quartiers parisiens et aura pour thème et unique objet : la misère.Vous aurez à cœur de pratiquer ce qui se nomme dans toutes les religions et
sagesses du monde : la charité ou l’aumône ou la compassion. Moyennant
quoi, vous obtiendrez le commencement de votre salut, et surtout la possibilité
de continuer votre voyage, où les portes des plus grands hôtels, des luxueux
cabarets, des hauts lieux de la mode et de la fornication mondaine vous seront
ouvertes et vers lesquels votre chauffeur saura vous mener, dans des voitures
spacieuses aux vitres noires.
Mais en premier lieu, vous vous
munirez d’argent, beaucoup d’argent que vous choisirez de retirer dans un
distributeur intérieur, fermé sur l’extérieur, donc chauffé l’hiver. Ce local
est occupé par deux êtres somnolents sous des couvertures et des habits en
lambeaux, sales, hirsutes, allongés à même le sol. Ils vous demanderont une
petite pièce, que vous donnerez (mais pas plus d’une).
De là, à l’air pur, vous continuerez votre chemin à pied, dans les
« beaux quartiers » et verrez des mendiants, un homme et une
femme, assis à même le trottoir, mal habillés, mal rasés, mal peignés, ne
sollicitant pas le passant, mais montrant devant eux une boîte ou un verre de
plastique vide. Parfois, près d’eux, vous pourrez remarquer une tente, une
cabane en cartons ou un vélo.
Plus loin, le regard perdu, douloureux et inquisiteur d’un homme sans
âge, assis près de la poste, entre le
feu et le distributeur de carnets de timbres, vous interpellera. Il ne
demandera rien mais vous dira, après votre don de quelques pièces jaunes, deux ou trois fois « merci » avec
tant de reconnaissance non feinte que vous en serez presque troublé.
A présent, en route vers un quartier où sont présentes les femmes (non pas
celles qui font ce que l’on a coutume d‘appeler le plus vieux métier du monde,
comme s’il s’agissait d’un métier et de légitimer l’esclavage sexuel). L’une
d’elles vend son maigre travail, étalé sur le trottoir, près d’un cinéma :
chaussons pour bébés tricotés de différentes couleurs, petite veste rose en
tricot ; vous devrez ramener une paire de chaussons.
Cette autre femme, plus jeune, est assise à l’angle de deux grands
boulevards. Elle ne demande rien. Mais vous aurez à cœur de lui donner un peu
de nourriture, et cette fois-ci, des fruits.
Il y a souvent, devant un grand magasin, sur une des grandes avenues les
plus célèbres de cette ville, une femme, une gamine, avec un enfant dans les
bras. On pense qu’elle est amenée là par sa tribu. Elle est vraiment très
jeune, l’enfant dort. Dans ce cas, faites comme vous le voulez, en libre
conscience.
Par contre, la promenade sur les quais vous paraîtra à priori bien
agréable, et éloignée de la foule qui ignore les mendiants. Mais quand vous
passerez sous certains ponts, vous mesurerez à quel point ces abris servent
autant à se soulager de besoins naturels que de lieux pour dormir sur quelques cartons.
Même ceux-ci sont effroyablement sales, vite abandonnés, avec des restes comme
des boîtes en plastique de carottes râpées. La plupart des touristes étrangers,
surtout les dames, passent sous ces ponts en se pinçant le nez.
A quelques
mètres, sous le pont des Arts, vous verrez un sans-abri, assis sur un petit
pilier qui supportait un banc de pierre, toujours au même endroit, lisant le
(même) journal donné dans le métro, visage sans âge derrière des lunettes
rondes et noires. Vous pourrez remarquer qu’il fume un bout de gros mégot de
cigare ramassé sur le trottoir, ou une cigarette roulée avec des restes. Rien
n’est perdu et vous en aurez pour
preuve, lorsque vous serez revenu au dessus du pont (neuf, par exemple) la
vision de SDF fouillant méthodiquement
les poubelles, vidant soigneusement le reste des verres de coca.Au final (et en option), pour ce circuit, vous vous rendrez dans une
banlieue (une liste vous sera fournie) pour vous immerger dans un bidonville
« moderne ».
Vous devez à ce stade vous poser certaines questions, au moins une fois
pour la vie :
a/-Vivent-ils de leur plein gré dans la saleté, le froid, la faim ?
b/-Pensez-vous qu’ils aient perdu la notion même d’être humain, de relations
sociales ?
c/-Que feriez-vous face à un sans abri qui ne parle plus, qui vit comme une
bête, allongé en position fœtale sur le trottoir, et qui refuse d’être
soigné ?
d/-Que feriez-vous face à quelqu’un que vous voyez lentement, au jour le
jour, se dégrader, se suicider à petit feu ?
Une fois ce passage obligé effectué, rendez-vous chez :Ladurée, Mariage-frères, les Deux Magots, le Procope, le Flore, le
Fouquet’s, la brasserie Lipp, l’Hôtel Georges V, Hermès, Dior, Chanel,
Cartier,la place Vendôme, les Champs Elysées, la rue du Faubourg Saint-Honoré (où
se trouve, ne l’oublions pas, le palais de l’Elysée…).
So nice, so frenchy !
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